L'ERE BRIATANIQUE DU THE
« Je sais maintenant pourquoi les Anglais préfèrent le thé : je viens de goûter leur café. »
Pierre-Jean Vaillard
EXPENSION DU COMMERCE DU THE EN GRANDE-BRETAGNE Les Chinois, voyant la demande occidentale, augmentent fortement leurs prix en octobre-novembre 1787. Les Britanniques échappent à cette hausse des prix, affirmant aux Chinois que les autres nations achètent du thé seulement pour l'exporter à leur tour en Angleterre. Les Anglais ajoutent l'opium et le coton au thé importé via leurs contacts indiens à Canton. En décembre 1787, les Américains tentent d'acheter du thé via le navire américain L'Alliance, mais ne prévoient pas assez d'argent pour se procurer autre chose que les rebuts des autres pays.
François de la Rochefoucault note que « l'usage du thé est général dans toute l'Angleterre. On le prend deux fois par jour et quoique ce soit encore une dépense encore considérable il n'y a pas de plus petit paysan qui ne le prenne les deux fois comme le plus riche ». Comme le thé est surtaxé, les Anglais y ajoutent des feuilles de sureau, de frêne, de hêtre, d'aubépine ou d'églantier pour en augmenter la quantité une fois la taxe passée, ou ils se fournissent en thé de contrebande, souvent importé par les Hollandais.
À la fin des années 1780, l'Angleterre importe de plus en plus de thé de Canton. En 1784 et en nationalisant le thé dans le Commutation Act, Pitt parvient à écarter l'import de thé par le reste de l'Europe. En 1787, D'Entrecasteaux indique : « La suppression des droits sur le thé ayant pour but d'en empêcher la contrebande, il fallait qu'il fût au meilleur compte possible et qu'il y en eût une assez grande abondance, ôter aux étrangers toute espérance d'en pouvoir introduire en Angleterre. Il en résulte nécessairement de ce meilleur marché une plus grande consommation et dès lors une extraction de la denrée beaucoup plus considérable que par le passé. » En quelques mois de 1787, selon lui, l'Angleterre importe l'équivalent de deux livres de thé par habitant du pays.
La contrebande continue cependant : les douaniers sont corrompus par les fraudeurs et les continentaux importent 3 750 tonnes par an en Angleterre, soit plus que leur propre consommation de thé, en 1783 d'après un rapport de la compagnie de l'East India. Cette fraude revient à une perte d'une vingtaine de millions de livres par an pour le Trésor britannique.
MARCHE AMERICAIN ET BOSTON TEA PARTY Aux États-Unis, la tea party (équivalent américain du five o'clock tea) est pratiquée par les élites, et on estime en 1773 que le tiers de la population boit du thé deux fois par jour. Les trois quarts du thé importé par New York proviennent de la contrebande, menée par la Hollande via les Antilles. À la suite de la Guerre de Sept ans, la Grande-Bretagne taxe le commerce du thé dans les colonies, comme le sucre, la mélasse et le papier. Les colons boycottent le commerce britannique du thé, et une campagne anti-consommation se développe pour inciter les Américains à ne plus boire de thé pendant les Tea-parties. La contrebande de thé, quant à elle augmente, sauf à Boston où le gouvernement britannique a installé un Conseil des Douanes pour la contrôler.
THE ET OPIUM L'Angleterre asseoit enfin sa domination du marché du thé chinois en développant la culture du pavot au Bengale. Le pavot indien est transformé en opium, qui est envoyé en Chine en échange de thé. L'opium devient illégal en Chine à la suite d'un édit impérial en 1779, mais passe par des grands canaux de contrebande ouvertement maintenus et financés par le gouvernement britannique.
LES GRANDES COURSES DU THE
Le 3 décembre 1850, après la fin du monopole de l'East India Company, le clipper américain Oriental arrive premier à Londres. Les propriétaires vendent leur cargaison loin au-dessus des prix habituels du marché. Témoins de ces profits, tous les capitaines de clippers se livrent à une grande course pour être les premiers à ramener leur thé de Chine.
L'EMERGENCE D'UNE TRADITION DU THE
EN ANGLETERRE L'origine de la démocratisation du thé en Angleterre est différente selon la classe sociale concernée. Chez les travailleurs, il s'agit du premier produit qui permet de créer une pause partagée par tous au travail et offre en plus des ressources énergétiques. Pour les classes aisées, il est l'occasion de nouveaux repas. L'habitude du thé est d'abord celle des femmes, qui doivent quitter les hommes à cinq heures. Les hommes s'y mettent rapidement aussi, en tant que prélude aux parties de whist, parfois avec une collation, sur le modèle des goûters français qui servent du vin et une collation sans discrimination de genre.
EN RUSSIE La Russie s'adonne au thé dès le XVIIe siècle. On ne peut jusqu'à la fin du siècle suivant s'en procurer qu'à Moscou ou à Nijni-Novgorod. Vers le milieu du XIXe siècle, le thé se répand dans tout l'empire. « Pourboire » se dit désormais « na chaï », ce qui signifie « pour le thé ». Plusieurs fois par jour, les Russes se réunissent autour d'un samovar et prennent le thé ensemble, souvent en famille, parfois de façon plus officielle. AUX ETATS-UNIS La Boston Tea Party n'a pas mis fin à la consommation du thé aux États-Unis. Des hommes politiques comme Henry Cabot Lodge expriment ouvertement leur anglophobie politique, sans renoncer au mode de vie britannique, à commencer par la consommation de thé. Le thé ne supplante cependant pas complètement la consommation de café et de bière dans les classes populaires.
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